Tu m’aimes donc je suis ?

Tu m’aimes donc je suis ?

Lu 36170 fois
Amour, PhiloSex

17 Feb 21

On associe à tort et jusque dans la confusion l’amour et l’amour propre. Ces homonymes sont pourtant très différents. Cette association crée un imbroglio qu’on essaie tant bien que mal de démêler à grands coups de raisonnements, souvent pour finir encore plus perplexe…

L’autre me rassure grâce à son amour, donc s’il.elle ne veut plus de moi c’est que je suis nul.lle
Si tu me rejettes, je me remets en question…
Faire des compliments est une expression curieuse : elle n’exprime aucun type de réalité émotionnelle, pas même de la part de l’auteur de ces compliments. C’est une expression totalement dénuée d’émotions, mais qui n’en entraine pas moins un émoi intérieur chez son destinataire : on sourit, on rougit, on est touché. Mais par quoi ? Quel est le lien entre une performance, une beauté, une qualité et un affect ?
C’est évident me direz-vous. Mais ça ne devrait pas l’être vous dirai-je.
C’est la formule proposée par des siècles d’amour conditionnel (“Quand je suis sage, maman m’aime”…). Nous avons été élevés au mérite. Comme si chaque être humain devait mériter sa place, mériter de l’amour. C’est bien ce qui nous induit en erreur. Nous avons au contraire tous le droit d’être ce que nous choisissons, nous avons tous une place qui est tout aussi valable que celle du voisin, et nous avons le droit de recevoir de l’amour quelque soit cette place : c’est un droit fondamental, absolu.
Malheureusement, comme je pense devoir mériter ce dont j’ai besoin, je m’imagine que si je reçois des compliments, l’autre m’apprécie et c’est ainsi lui qui m’attribue une valeur, alors que la notion est hors sujet : ma valeur est intrinsèque, absolue, valide en soi. Point barre.
Ceci prouve donc qu’on ne devrait aucunement être affecté par le désamour de quelqu’un, ou son manque d’intérêt, dans la mesure où ce n’est pas parce qu’il n’a pas/plus de sentiment pour moi que ça remet en question ma valeur, même à ses yeux.
Mais l’évidence de l’amour mérité est si ancrée en nous qu’il est très difficile de lutter contre, du coup on veut toujours savoir pourquoi : Pourquoi tu t’en vas ? Pourquoi tu m’aimes plus ? (Dites-moi qu'elle est partie pour un autre que moi… Mais pas à cause de moi… la la la – Michel Jonasz)

Pourquoi veut-on toujours savoir pourquoi ?
Cette curiosité entraîne bien des quiproquos. Par exemple, voici une situation déconcertante : Monsieur redouble de reconnaissance et d’admiration à mon égard, sans pour autant éprouver des « sentiments » pour moi, ce qui, quand j’essaie de comprendre pourquoi il me quitte, me laisse tout à fait perplexe.
Encore une fois, c’est parce qu’on mélange l’amour que nous porte quelqu’un avec notre valeur intrinsèque qu’on s’emmêle les pinceaux. Ajoutons à cela le besoin de rationaliser nos émotions pour mieux les discipliner et nous voilà partis dans des élucubrations, dûment argumentées, articulées et d’une implacable logique, qui sauraient assurément soulager nos maux…
On aura si souvent entendu ou lu les descriptions enjouées de l’amoureux quand il parle du sujet de son amour, ne se lassant pas de décrire toutes ses qualités exceptionnelles. De même que celui qui tombe en désamour décriera soudainement chez l’autre tous ces affreux défauts. La vérité, c’est que ni dans un cas ni dans l’autre les qualités octroyées ou retirées sont congruentes. Le problème est qu’on ne sait pas expliquer ce qu’on ressent en cas d’amour autrement que par des traits de caractère, des compétences ou des attributs, comme si on devait justifier ce sentiment par le mérite. Mais c’est en réalité fort mal à propos : l’amour, l’attirance n’a rien à voir avec les qualités de quelqu’un en tant que valeur. Ils sont relatifs à des caractéristiques qui résonnent en moi à cause des mes origines, mes expériences, mes goûts et mes névroses mais qui n’ont aucune valeur en soi. On peut exprimer l’amour, mais pas l’expliquer dans l’absolu. Seulement relativement. Relativement à l’autre, à un moment de la vie de chacun.
L’être aimé n’est ni une personne fantastique, ni un salaud : je l’aime, ou je ne le supporte plus. C’est tout. Et de la même manière, quand je ne l’aime plus, je ne devrais pas remettre en cause ces caractéristiques dans leur valeur même.
En toute logique il ne perd rien, je ne lui prends rien. Il a toujours été ce qu’il est.

Donc il n’y a pas de pourquoi qui tienne, et à l’inverse il n’y a pas à devoir se justifier.
On dirait en anglais que c’est irrelevant (Non pertinent ?).
Je dois juste me faire confiance, écouter, me fier à ce que je ressens.
Être attentif et respecter les petits signes de l’autre, même quand ces signes sont une absence de réponse.
No answer is an answer.


Ils en parlent :

Dîtes-moi – Michel Jonasz

Un mot à dire ?

Recevoir par email les réponses à ce fil de discussion    

Anti-Spam : Inscrire 36170 dans la case